Comment protéger ses collaborateurs lors de pics de chaleur dépassant les 40° en France ? Comment anticiper les nouvelles maladies qui deviendront plus fréquentes avec le changement climatique ? Quelles sont les responsabilités de l’employeur dans la prévention de l’éco-anxiété ?

Ces questions, toutes les entreprises vont être amenées à se les poser dans un monde en plein dérèglement. Au-delà des engagements de réduction des émissions, l’impératif de l’adaptation au changement climatique devient chaque jour plus pertinent. Dans cet article, notre expert Docteur Alexandre Maisonneuve Le Brec explore les interactions entre le dérèglement climatique et la santé, ainsi que les conséquences pour les entreprises.

Quels grands risques climatiques menacent aujourd’hui la santé des salariés et donc l’activité des entreprises ?

Hausse des températures, inondations, pollution… Les grands risques climatiques en eux-mêmes sont plutôt bien connus.
Sur un plan général, ces risques impactent la santé des collaborateurs, directement ou indirectement. Par exemple, en cas d’inondation, outre le risque de noyade, il existe un risque de contamination par des maladies infectieuses.

Parlons également de la hausse des températures (et de l’ensoleillement) et de son retentissement sur la prévalence des mélanomes : en France, selon la Ligue contre le cancer, le nombre de nouveaux cas a été multiplié par 5 en 30 ans et devrait doubler dans les années à venir.
Évoquons aussi les cas d’aggravation de maladies chroniques (insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire, diabète…) liés aux épisodes de pollution, l’expansion des maladies à transmission vectorielle (paludisme, dengue, chikungunya, Zika…), ou encore, l’augmentation des maladies allergiques en lien direct avec le changement climatique.

Il y a enfin un impact sur la santé mentale, que ce soit en termes d’anxiété, de repli sur soi, bref d’éco-anxiété en général. Sur ce point, un rapport de l’Observatoire européen du climat et de la santé fait état des répercussions du changement climatique et environnemental sur la santé mentale.

Quelle légitimité pour l’entreprise sur cette thématique ?

Le changement climatique peut avoir un impact évident sur les biens, c’est-à-dire les locaux, le matériel, le système informatique. Ainsi, à l’échelle d’une entreprise, un épisode de forte chaleur peut entraîner un dysfonctionnement du parc informatique ou encore du dispositif de sécurité.

Comment accompagnez-vous les chefs d’entreprise au quotidien pour prévenir ces risques ?

Vis-à-vis des chefs d’entreprise, nous nous positionnons au quotidien sur deux axes : la protection des biens et celle des personnes. Aujourd’hui, il est primordial que l’entreprise intègre le sujet de la santé des collaborateurs dans son plan de prévention des risques. Ces plans ne doivent plus seulement concerner le risque matériel (inondation, incendie, hacking…)

En matière de protection de la santé des salariés, nous invitons les employeurs à encourager leurs collaborateurs à participer aux programmes existants de prévention santé, à l’image des programmes de dépistage organisé des cancers, auxquels ne participent actuellement que la moitié des personnes éligibles. Nous incitons également les employeurs à faire bénéficier leurs salariés de bilans de santé réguliers. Il convient de ne plus seulement parler de prévention, le moment est venir d’agir.

Pour une entreprise, avoir des collaborateurs en meilleure santé, c’est un atout supplémentaire dans un monde où le rythme des défis s’accélère. Si l’entreprise n’intègre pas ces questions, elle se met volontairement en position de faiblesse par rapport à ses concurrents.

Par ailleurs, qui est légitime en France pour pousser ce discours auprès de la population générale ? Uniquement les soignants ? Ou bien tous les acteurs ayant un intérêt direct ou indirect à ce que chacun soit en bonne santé ? Un employeur a donc toute la légitimité pour agir.

AXA a récemment publié le livre blanc Prévention Climat Entreprises qui contient de nombreux conseils pour s’adapter à la réalité du changement climatique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il y a un maître-mot dans ce livre blanc, c’est l’anticipation.

Une première partie de ce livre évoque l’ensemble des moyens généraux permettant de répondre à un enjeu de sécurité. Par exemple, de nombreuses questions que doivent se poser les chefs d’entreprises sont ainsi abordées : « Comment isoler mes locaux ? Comment protéger mon matériel en cas de forte chaleur ? Est-ce que mes systèmes de sécurité se mettent en défaut ou pas et à quelle température ? Est-ce que mon système de refroidissement est encore suffisamment performant pour garder ces matériels actifs ? Comment sécuriser mes documents en cas d’inondation ? »

Le troisième point qui me paraît important, c’est l’organisation. Cette culture-là est probablement encore trop peu développée au sein des entreprises françaises. L’adaptation des horaires, les modifications d’activité, les éventuelles relocations quand l’entreprise a plusieurs sites ou vers des zones moins exposées à la chaleur, c’est quelque chose qui doit être anticipé dans le cadre d’un plan de continuation. Les entreprises doivent se positionner en acteur engagé. C’est un enjeu sociétal mais aussi concurrentiel.

Quels défis futurs se présentent aux assureurs dans ce contexte incertain ?

Le premier défi est financier : il s’agit pour l’assureur de maintenir l’assurabilité à des coûts soutenables pour ses clients. C’est l’enjeu primordial et il est partagé : si l’assureur ne pouvait plus assurer, l’entrepreneur ne pourrait plus entreprendre.

Le deuxième défi, on l’a évoqué, c’est d’aller plus loin dans la notion de risk management, c’est-à-dire la capacité à anticiper les risques, d’accompagner les clients dans les meilleurs moyens à mettre en place pour les éviter et le cas échéant y faire face le jour où ils surviennent. C’est un travail à 2, et là aussi un enjeu partagé : l’assureur comme conseil, et l’entrepreneur en maître d’œuvre.

Le troisième défi, c’est la notion d’exemplarité. Je pense que pour l’entreprise, il y a un vrai parallèle à faire entre les engagements pour la protection de l’environnement et l’engagement pour la santé de ses collaborateurs. L’un ne peut aller sans l’autre.

Face au changement climatique, les assureurs doivent faire preuve d’une adaptation continue et d’une mobilisation constante afin d’aider les entreprises à accroître leur résilience et leur compétitivité.

* Santé Publique France