Partage de la valeur : futur contributeur de l’épargne des Français
Des évolutions en perspective, notamment pour les entreprises de moins de 50 salariés, avec l’Accord National Interprofessionnel sur le Partage de la Valeur signé en février dernier. Dans le contexte économique actuel, l’enjeu repose sur la création d’un levier complémentaire pour redistribuer la valeur émanant du travail collectif.
Pour éclairer ce sujet, Valérie Le Gall, Directrice Technique Epargne Retraite chez AXA Santé & Collectives, nous apporte plus d’éléments.
D’abord la signature d’un Accord National Interprofessionnel en février, puis maintenant un projet de loi sur le Partage de la Valeur (PPV) en cours d’étude au Sénat.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les objectifs de ces dispositions ?
Oui, bien sûr ! Déjà, le projet de loi transposant l’Accord National Interprofessionnel (ANI) sur le Partage de la Valeur a été adopté le 29 juin, en première lecture, par l’Assemblée nationale. Députés et sénateurs se sont accordés mi-novembre sur le projet de loi, ouvrant la voie à une adoption définitive de cette réforme.
Pour commencer je voudrais attirer l’attention sur deux mesures phares :
- La première serait l’obligation, pour les entreprises de 11 à 49 salariés qui réalisent un bénéfice net fiscal sur 3 ans consécutifs d’un minimum de 1% de leur chiffre d’affaires, de mettre en place un dispositif de partage de la valeur : primes d’intéressement, de participation ou abondement dans un PEE (Plan Epargne Entreprise) ou un PER (Plan Epargne Retraite) collectif ou encore PPV (Prime de Partage de la Valeur, ex-prime Macron »).
L’obligation entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2025. - Et la deuxième serait l’obligation, pour les entreprises de plus de 50 salariés, de définir avec leurs partenaires sociaux ce qu’est un résultat exceptionnel. L’entreprise doit ensuite négocier les modalités de partage de la valeur qui en découlent pour les salariés : un intéressement majoré, un abondement ou une PPV.
Evidemment, dans le contexte économique actuel que nous traversons en France, ces perspectives ouvriraient de nouvelles opportunités de placement de la redistribution des profits des entreprises. Je pense notamment à la possibilité de proposer aux salariés de se constituer une épargne complémentaire, via les dispositifs d’épargne salariale.
« Aujourd’hui, sur le segment des 10-49 salariés, moins de 20% des entreprises proposent de l’épargne salariale ! »
Cela accroitrait donc significativement le nombre de salariés qui pourront en bénéficier.
Autre bonne nouvelle potentielle, la possibilité de compléter les modalités d’alimentation des outils d’épargne salariale à disposition de l’entreprise, en ajoutant :
- Le versement d’une ou deux primes de partage de la valeur, qui pourraient être perçues ou investies dans un PEE ou un PER ;
- Le versement d’une prime en fonction de l’évolution des activités soit une Prime Partage de la Valorisation de l’Entreprise (PPVE). Le principe : si la valeur de l’entreprise enregistre une hausse sur 3 ans, les salariés ayant plus d’un an d’ancienneté bénéficieraient alors d’une prime qui pourra être placée sur un PEE ou un PER.
On perçoit les premiers avantages pour les salariés, mais pouvez-vous nous expliquer pourquoi ils auraient intérêt à placer leur future PPV ou PPVE sur leur plan d’Epargne Salariale ou Plan d’Epargne Retraite ?
C’est vraiment, à mon sens, une opportunité pour les salariés de se constituer une épargne dans des conditions avantageuses. Tout d’abord parce que si les sommes issues de la participation, l’intéressement, la PPV ou un abondement sont investies sur un plan d’épargne (PEE – PER), ces dispositifs bénéficient déjà aujourd’hui d’un avantage fiscal :
- une exonération d’Impôt sur le Revenu,
- et l’application de la CSG/ CRDS uniquement sur les gains à la sortie (plus-value).
Cette épargne ainsi constituée au fil du temps accompagne également leurs projets, les aide lors de la naissance d’un 3ème enfant, de l’achat de la résidence principale et les protège en cas de coups durs (invalidité du titulaire ou d’un proche, décès du conjoint, expiration des droits au chômage, situation de surendettement notamment). Elle leur permet aussi de se constituer, s’ils le souhaitent, une épargne pour leur retraite.
Côté employeur maintenant, quels avantages tireront-ils de ces dispositifs de partage de la valeur ?
Pour une entreprise, développer sa « marque employeur » est un véritable enjeu, a fortiori dans le contexte actuel du marché du travail tendu, avec une pénurie de main d’œuvre qualifiée.
« La marque employeur repose sur la proposition de valeur de l’entreprise au salarié, et en particulier sur sa rémunération au sens large, c’est-à-dire incluant l’épargne salariale ou les cotisations sur un Plan d’Epargne Retraite. »
Par exemple, on observe que de nombreux chefs d’entreprises de PME citent l’épargne salariale et leur niveau d’abondement comme un réel avantage concurrentiel pour attirer les talents.
L’épargne salariale, est un outil de redistribution efficace car elle bénéficie d’avantages sociaux et fiscaux non négligeables. En effet, les sommes versées par l’entreprise au titre de l’intéressement, de la participation, de l’abondement et de la PPV ou de la PPVE, sont déductibles du bénéfice imposable et exonérées, et dans certains cas, de charges sociales.
De plus, pour les entreprises de moins de 50 salariés, il serait proposé que la Prime Partage de la Valeur soit totalement exonérée d’impôt et de charges sociales pour les salariés ayant un salaire inférieur à 3 SMIC, même si elle est directement perçue par le salarié sans être investie dans un PEE ou un PER.
Un assouplissement semble également se profiler pour les PME. L’entreprise aurait donc la possibilité :
- De verser 2 fois par an la Prime de Partage de la Valeur (PPV) dans la limite des plafonds d’exonération légaux, mais sans minimum légal, avec une mise en place par simple décision unilatérale ;
- D’ouvrir le dialogue social avec les représentants du personnel en adoptant une formule de participation plus souple que la formule légale ;
- Ou encore de mettre en place un accord d’intéressement sans forcément avoir recours à un d’accord de participation.
Notre planète fait face à de nombreux enjeux, climat, grand âge, qu’est-il envisagé sur le sujet ?
On le sait, les Français sont de plus en plus nombreux à vouloir donner du sens à leur épargne. Il est envisagé que les PEE et PER puissent comporter obligatoirement au moins un fonds labellisé au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou de l’investissement socialement responsable. Un vrai pas complémentaire pour faire face aux enjeux climatiques.
Autre avancée projetée sur le sujet climat, un nouveau cas de déblocage de son épargne salariale pour financer la rénovation énergétique de la résidence principale ou l’acquisition d’un véhicule « propre ». A noter également, un cas de déblocage pour les aidants, autre grand sujet de société dans un contexte de vieillissement de la population.
Pour conclure, il faut souligner que le partage de la valeur s’inscrit dans la même dynamique collective que l’épargne salariale notamment l’intéressement. La logique est la suivante : les dirigeants précisent leurs objectifs stratégiques de développement, les partagent avec les collaborateurs, puis définissent les méthodes de redistribution afin de motiver et fidéliser leurs équipes. La mise en place effective de l’accord ANI est donc très attendue car il permettrait d’étendre ces dispositifs avantageux à un plus grand nombre de salariés, en couvrant notamment le périmètre des entreprises de taille moyenne.
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